8 novembre 2023

Informations relatives au climat : Une question importante

Par : M. Grant Vingoe, chef de la direction, Commission des valeurs mobilières de l’Ontario

Alors que les effets des changements climatiques s’intensifient, attirant l’attention du public et attisant le débat politique, les autorités de réglementation des valeurs mobilières accordent une attention particulière aux conséquences de ces évolutions sur nos marchés financiers. Notre objectif est de fournir aux investisseurs des renseignements cohérents, comparables et utiles à la décision sur les risques importants relatifs au climat auxquels font face les sociétés ouvertes afin qu’elles puissent prendre des décisions éclairées en matière d’investissement.

À la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario, nous nous concentrons sur l’élaboration d’exigences en matière d’information financière relative au climat pour les sociétés ouvertes qui sont harmonisées partout au Canada et alignées sur les normes internationales, avec les modifications nécessaires et appropriées au contexte canadien.

À mesure que les changements climatiques deviennent de plus en plus politisés et polarisants, les efforts déployés par les organismes de réglementation des valeurs mobilières pour établir des normes d’information appropriées font l’objet d’un examen plus minutieux. Certains estiment que nous outrepassons notre fonction et défendons un programme social particulier, alors qu’en réalité, notre travail dans ce domaine est motivé par la demande du marché et est conforme aux principes de la réglementation des valeurs mobilières et au mandat statutaire de la CVMO.

Le principe de base de notre régime de réglementation fondé sur l’information est le suivant : si les investisseurs disposent en temps opportun de renseignements financiers et autres, exacts et complets, ils peuvent faire des choix éclairés quant à l’endroit où investir leur argent. Au cœur de ce régime se trouve le concept d’importance relative, qui se rapporte généralement aux renseignements qui pourraient influencer ou modifier la décision d’un investisseur raisonnable d’acheter, de vendre ou de détenir des titres s’ils étaient omis ou mal déclarés.

Les changements climatiques représentent un large éventail de risques complexes et multiformes qui pourraient affecter d’une manière appréciable la valeur d’entreprise d’une entreprise. Ces risques s’étendent à court, moyen et long terme et présentent d’importants défis que les entreprises doivent tenter de relever.

Parmi les exemples d’effets à court terme figurent les risques physiques, notamment les changements dans les régimes climatiques et les événements météorologiques extrêmes qui peuvent causer des dommages physiques aux personnes, aux biens et aux infrastructures essentielles. À cela s’ajoute la montée en flèche des coûts d’assurance pour certains types d’entreprises et dans certains endroits. Plus tôt cette année, le directeur de l’un des plus grands courtiers d’assurance au monde a déclaré que les changements climatiques avaient déjà créé une « crise de confiance » pour les assureurs quant à leur capacité à prédire les sinistres. Ces préoccupations sont devenues plus immédiates à mesure que les inondations, les sécheresses, les feux de forêt et les vagues de chaleur extrêmes sont devenus plus fréquents et ont frappé plus près de chez nous.

À moyen terme, les entreprises doivent prendre en compte les risques relatifs à la transition, notamment les coûts liés aux nouvelles politiques, les lois et réglementations (par exemple sur les émissions de gaz à effet de serre) conçues pour atténuer les changements climatiques. En fait, certains de ces risques se sont déjà produits. Les entreprises peuvent également se retrouver avec des actifs bloqués dont la valeur s’est détériorée en raison d’une évolution vers des pratiques plus durables.

À long terme, les entreprises doivent anticiper un avenir moins prévisible, qui pourrait inclure des migrations de population, des perturbations de la chaîne d’approvisionnement, des préférences changeantes des consommateurs et même des risques de litiges pour les grands pollueurs et les entreprises qui ne prennent pas suffisamment en compte les effets des changements climatiques sur leurs activités.

Ce ne sont là que quelques-uns des nombreux facteurs auxquels les conseils d’administration et la haute direction doivent faire face lorsqu’ils abordent cette question complexe. Évidemment, comme à toute période de transformation, certaines entreprises seront plus touchées que d’autres, et de nouvelles possibilités se présenteront pour celles qui sont bien préparées.

Autrement dit, la manière dont les entreprises identifient et réagissent aux risques et aux possibilités présentés par les changements climatiques constitue une information importante qui doit être divulguée aux investisseurs. Il ne s’agit pas d’une décision prise par les organismes de réglementation; ce sont les investisseurs eux-mêmes qui l’exigent. Initialement portés par des sociétés institutionnelles qui investissent les plus grands regroupements d’actifs sur les horizons temporels les plus longs, les éléments climatiques à prendre en compte sont devenus une question essentielle pour bon nombre d’investisseurs traditionnels.

Nous avons appris que de nombreuses entreprises ont du mal à identifier les renseignements relatifs au climat à inclure dans leurs rapports. Nous avons été parmi les premiers à offrir des conseils sur l’information relative au climat et nous continuons de travailler avec nos partenaires réglementaires pour trouver le bon équilibre à mesure que nous élaborons des exigences en matière de divulgation.

En 2010, la CVMO, en collaboration avec ses homologues provinciaux des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM), a publié un avis qui énonçait les principes directeurs à prendre en compte lors de la détermination de l’importance relative des questions environnementales. Il comprend des exemples d’informations à fournir propres à une entité pour aider les entreprises à comprendre leurs obligations en matière d’information.

En 2019, relativement aux inquiétudes croissantes des investisseurs concernant le manque de transparence sur la préparation aux changements climatiques, les ACVM ont publié de nouveaux conseils décrivant le rôle des conseils d’administration et de la haute direction dans la préparation et l’approbation d’informations claires et pertinentes sur les risques relatifs au climat. À cette époque, plusieurs cadres d’information volontaire avaient été élaborés, notamment par le Conseil des normes comptables et le Groupe de travail sur la publication d’informations financières relatives à la nature du Financial Stability Board (GTIFCC).

La proposition de règles concernant les informations initiales des ACVM sur le climat, publiée en 2021, est à l’image des recommandations du GTIFCC. Ce projet est toujours à l’étude à la lumière d’évolutions internationales importantes, notamment les normes du Conseil des normes internationales d’information sur la durabilité (ISSB) publiées en juin de cette année et les propositions à venir de la Securities and Exchange Commission des États-Unis.

Grâce à notre participation active auprès de l’Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV) et de nos partenaires des ACVM, nous avons collaboré avec l’ISSB dans le cadre des efforts déployés pour élaborer un cadre mondial d’information axée sur les investisseurs.

En juillet dernier, l’OICV a officiellement approuvé les normes ISSB, concluant qu’elles sont appropriées pour aider les marchés financiers intégrés à l’échelle mondiale à évaluer avec précision les risques et possibilités pertinents en matière de changements climatiques et de durabilité. Elle a également conclu que les normes constituent une base appropriée pour l’élaboration d’un cadre d’assurance solide à appliquer à ces informations. Les ACVM ont également accueilli favorablement les normes ISSB et ont déclaré leur intention de mener d’autres consultations afin d’adopter des normes d’information fondées sur celles-ci, avec des modifications adaptées au contexte canadien.

Nous reconnaissons que, même si l’information des risques importants relatifs aux changements climatiques est importante pour permettre aux investisseurs de prendre des décisions d’investissement éclairées, cette information présente de possibles fardeaux pour toutes les sociétés ouvertes, surtout les plus petites aux ressources limitées. Tout au long de nos discussions avec l’ISSB et dans d’autres forums internationaux, nous avons fortement plaidé pour que la proportionnalité et l’évolutivité soient représentées dans les normes. Il est important qu’elles s’appliquent à différents marchés, à différents secteurs et à des entreprises de différentes tailles, surtout aux nombreuses sociétés ouvertes canadiennes à croissance précoce.

Le Conseil canadien des normes d’information sur la durabilité (CCNID), qui est entré en service en juin dernier, comprend une forte représentation des secteurs canadiens axés sur les ressources et jouera un rôle déterminant dans le soutien à l’adoption des normes de l’ISSB au Canada et dans la mise en évidence des enjeux clés dans le contexte canadien. Les ACVM ont commencé à collaborer avec le CCNID par le biais d’un groupe de travail spécialisé et nous sommes impatients d’établir cette relation.

Notre régime réglementaire fondé sur l’information dépend de l’accès des investisseurs à l’information importante sur les risques et les possibilités auxquels les entreprises font face et sur la manière dont elles les gèrent. En fin de compte, tout l’écosystème financier profite de renseignements crédibles et comparables sur les risques et possibilités relatifs au climat, qui seront de plus en plus utilisés dans l’imputation sur les fonds propres. Poussés par la demande des investisseurs, nous poursuivrons notre travail visant à promouvoir des informations appropriées que les investisseurs peuvent utiliser pour prendre des décisions alors qu’ils font face à cet enjeu mondial déterminant de notre époque.

Nos examens des informations relatives au climat (publiées en 2018 et en 2021) ont montré que, même si la qualité de ces informations s’est améliorée, il reste encore beaucoup à faire. Pendant que les conseils d’administration attendent l’adoption d’exigences en matière d’information relative au climat, ils peuvent profiter de cette période intermédiaire pour se préparer. Ils peuvent mettre en place leurs structures de gouvernance et de gestion des risques pour faire face aux risques importants relatifs au climat, en plus de se positionner de manière optimale pour répondre aux besoins changeants de leurs investisseurs en matière d’information.

M. Grant Vingoe est le chef de la direction de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario.

 

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