12 septembre 2023

Ce Que les Conseils d’Administration Doivent Prendre en Compte pour Effectuer une Transition Vers les Véhicules Électriques

Par Michael C. Smith, Sander A.J.R. Grieve et Duncan McPherson, Bennett Jones LLP

 

Le Canada est en train de faire un virage monumental vers la production et l’adoption de véhicules électriques (VE), dont les effets se font sentir au-delà des secteurs de l’automobile, des mines et de l’énergie. Les conseils d’administration doivent déterminer l’incidence de la transition rapide vers les VE sur leur entreprise et ce que les nouveaux règlements et incitatifs pourraient signifier pour eux. De nouvelles occasions se présenteront également à mesure que les réseaux de recharge seront construits et que les entreprises intégreront les véhicules électriques à leurs politiques ESG.

Objectifs nationaux de ventes de véhicules électriques

Les véhicules électriques sont essentiels aux plans du Canada pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Le Règlement modifiant le Règlement sur les émissions de gaz à effet de serre des automobiles à passagers et des camions légers proposé par le gouvernement fédéral établit des cibles de ventes annuelles pour les nouveaux véhicules légers zéro émission mis en vente au Canada : au moins 20 % d’ici 2026, au moins 60 % d’ici 2030 et 100 % d’ici 2035.

Quelles incitations fiscales sont offertes à votre entreprise?

L’année dernière, un large éventail de nouvelles mesures incitatives a été mis en place pour soutenir la transition vers les véhicules électriques dans les secteurs de l’exploitation minière, de l’automobile, de l’énergie propre, de la fabrication et de la technologie. En voici quelques-unes :

  • Crédit d’impôt pour l’exploration de minéraux critiques – Crédit d’impôt de 30 % pour les minéraux critiques ciblés offert aux investisseurs en vertu de certaines conventions d’actions accréditives.
  • Crédit d’impôt à l’investissement dans la fabrication de technologies propres – Crédit d’impôt remboursable afin de couvrir 30 % du coût de la nouvelle machinerie et du nouvel équipement utilisés dans certaines technologies propres, ou pour l’extraction, la transformation ou le recyclage de minéraux critiques.
  • Crédit d’impôt à l’investissement dans l’électricité propre – Crédit d’impôt remboursable de 15 % pour les investissements admissibles dans l’électricité propre, y compris les technologies requises pour produire et stocker de l’électricité propre et la transporter entre les provinces et les territoires.
  • Subventions pour la production de batteries pour véhicules électriques – L’Ontario et le gouvernement fédéral s’associent pour investir des milliards de dollars en subventions afin de créer une industrie nationale de batteries pour VE.

Incidence sur le parc de véhicules d’une entreprise

Incitatifs, déductions fiscales et crédits

Le programme d’Incitatifs pour les véhicules zéro émission (iVZE) prévoit jusqu’à 5 000 $ pour couvrir le coût d’achat d’un véhicule léger, et il a été élargi pour englober les modèles de VZE plus gros.

Il y a aussi des déductions fiscales fédérales pour toutes les entreprises qui achètent des véhicules électriques. Les entreprises qui reçoivent un incitatif dans le cadre du programme iVZE fédéral ne sont pas admissibles pour la déduction fiscale pour les VZE.

Des incitatifs provinciaux et territoriaux à l’achat de VE sont offerts en Colombie-Britannique, au Québec, au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse, à l’Île-du-Prince-Édouard, à Terre-Neuve-et-Labrador, dans les Territoires du Nord-Ouest et au Yukon. Ceux-ci peuvent être combinés aux incitatifs sous le programme iVZE fédéral. 

Le projet de Règlement modifiant le Règlement sur les émissions de gaz à effet de serre des automobiles à passagers et des camions légers du Canada établirait un système de points de conformité pour déterminer si les parcs de véhicules des fabricants et des importateurs destinés à la vente au Canada atteignent la cible de ventes de VZE pour une année donnée. Si un fabricant ou un importateur dépasse sa cible, il obtiendra des points de conformité excédentaires. S’il ne respecte pas sa cible de ventes de VZE, il devra acheter des points pour compenser le déficit de conformité.

Droit à la réparation

Les conseils d’administration devraient suivre de près la législation largement attendue sur le « droit à la réparation » dont le moment où ce texte aura force de loi se rapproche de plus en plus au Canada. On s’attend à ce qu’elle ait une incidence importante sur l’industrie automobile, l’industrie de la réparation automobile et les propriétaires de véhicules électriques.

La Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur (diagnostic, entretien et réparation) réduirait la capacité des fabricants d’équipement d’origine (FEO) de verrouiller l’accès aux logiciels intégrés, lorsque l’accès est nécessaire pour le diagnostic, l’entretien et la réparation des produits et de l’équipement.

Infrastructure de recharge

Pour atteindre les seuils nationaux d’adoption des VZE, il faut construire une importante infrastructure de recharge au Canada. Des millions de bornes de recharge publiques seront nécessaires pour que les VZE constituent la totalité des ventes. Les entreprises qui possèdent un parc de véhicules électriques doivent s’assurer que le réseau est à la hauteur de leurs achats de véhicules et de leurs besoins uniques.

Le secteur de l’immobilier commercial devrait réfléchir à l’emplacement des bornes de recharge dans les bâtiments existants et nouveaux. En mai 2023, le gouvernement de la Colombie-Britannique a adopté une loi pour permettre aux sociétés de copropriété et aux propriétaires d’installer plus facilement des infrastructures de recharge pour VE. Plusieurs administrations de l’Ontario ont adopté de nouveaux règlements pour faciliter la recharge des VE.

La normalisation des bornes de recharge est un sujet d’actualité dans l’adoption des VE. À l’heure actuelle, le Canada n’a pas de normes fédérales de rendement et de fiabilité pour les bornes de recharge pour VE. Dans le secteur privé, de nombreux constructeurs automobiles ont annoncé qu’ils adopteront la norme de recharge NACS de Tesla pour avoir accès à son réseau de Superchargement au Canada et aux États-Unis. À la fin juillet 2023, sept grands constructeurs automobiles, dont la GM, ont annoncé qu’ils allaient créer ensemble une nouvelle entreprise pour installer des bornes de recharge pour véhicules électriques aux États-Unis et au Canada.

La recharge bidirectionnelle (technologies V2G, V2H, V2L et V2X) pour les véhicules électriques n’en est qu’à ses débuts au Canada. La technologie crée une nouvelle forme de stockage de l’énergie en permettant aux batteries de voiture à la fois d’être rechargées et de constituer une source d’électricité, qui pourrait être utilisée par les entreprises et les ménages qui possèdent des VE pour fournir de l’électricité pour leur propre usage (p. ex. pendant les périodes de tarification élevée ou pendant les pannes) ou qui pourrait être revendue au réseau. Il s’agit d’une avenue possible de production de revenus ou de réduction des dépenses qui pourrait permettre de réduire davantage le coût total de possession des véhicules électriques par rapport aux véhicules à moteur à combustion interne. 

Les matrices des contrats interentreprises

La transition vers les VE comprendra l’intégration de toutes sortes d’entreprises et d’investisseurs à différents projets, certains n’ayant jamais travaillé ensemble de manière étroite, voire pas du tout.

Les fabricants d’équipement d’origine développent de nouvelles relations avec les sociétés minières grâce à de gros investissements, à des coentreprises et à des acquisitions. Les entreprises de technologie de recharge de véhicules électriques travaillent avec des exploitants de bornes de recharge qui ont eux-mêmes des modalités numériques avec les conducteurs. Et bien sûr, il y a les compagnies d’électricité qui fournissent l’électricité. Des relations juridiques complexes, nouvelles et qui se chevauchent, émergent régulièrement pour les entreprises au fur et à mesure que la transition vers les véhicules électriques progresse, ce qui exige de la part de leurs conseils d’administration un examen attentif de la répartition adéquate des risques. 

Responsabilité associée aux produits

La transition technologique s’accompagne d’une transition en matière de risque de responsabilité associée aux produits. Par rapport aux véhicules à moteur à combustion interne, les véhicules électriques ont beaucoup moins de pièces mécaniques susceptibles de tomber en panne et nécessitent beaucoup moins d’entretien. Les premières préoccupations concernant la durabilité des batteries pour VE et les risques d’incendie se sont révélées jusqu’à présent largement injustifiées. Au cœur d’un VE se trouve le logiciel, et de plus en plus de logiciels peuvent être mis à jour relativement rapidement « en direct » sans que le propriétaire n’ait jamais à se rendre chez un mécanicien, et sans les activités importantes de conception, de validation et de distribution associées à un correctif matériel. Les produits devraient présenter moins de défauts, et les défauts éventuels devraient pouvoir être réparés rapidement et facilement. Le profil de risque des VE devrait être nettement inférieur à celui des véhicules à moteur à combustion interne. Cela signifie également une disponibilité plus élevée pour les exploitants de parcs de véhicules.

Comment les VE s’intègrent-ils à la planification ESG d’une entreprise?

Selon les activités de l’entreprise, les VE peuvent jouer un rôle important dans l’atteinte de ses objectifs et de ses exigences en matière de carboneutralité. Pourtant, les choix effectués dans le cadre du déploiement de VE, y compris le choix du modèle de véhicule et de l’infrastructure de recharge, peuvent avoir des effets significatifs sur les résultats globaux. Idéalement, les conseils d’administration peuvent commencer par une analyse du cycle de vie complet des plans en matière de VE de leur entreprise pour voir comment ils s’intègrent au parcours ESG global de leur entreprise. Il est important de tenir compte de l’origine des minéraux bruts utilisés dans les batteries, puis de leur raffinage. Le cobalt est un bon exemple. Environ 70 % de l’offre mondiale est extraite en République démocratique du Congo, et la Chine domine le raffinage avec une part de trois quarts de la production mondiale, ce qui augmente les risques ESG potentiels.

Le Canada, les États-Unis et l’Union européenne travaillent d’arrache-pied pour accroître leur production de cobalt et d’autres minéraux critiques afin de remédier à ce genre de déséquilibre.

Les conseils d’administration doivent également savoir si leur parc de VE sera alimenté en électricité à partir d’énergie verte ou de combustibles fossiles, et comment ils géreront le recyclage des batteries de VE, dans tous les territoires de compétence où ils exercent leurs activités.

Les véhicules électriques offrent aux entreprises une occasion unique d’améliorer les mesures ESG et de réduire les coûts. Les exploitants de grands parcs ont fait état de réductions à deux chiffres des coûts de possession et d’exploitation en passant des véhicules à moteur à combustion interne aux VE, et ce, sans disposer de données sur l’ensemble du cycle de vie. De plus, les conducteurs et les clients sont plus heureux en raison de l’impact positif sur l’environnement. Le passage d’un parc de véhicules à moteur à combustion interne à un parc de VE nécessite une étude et une analyse minutieuses pour éviter des temps d’arrêt imprévus au départ. Mais ces difficultés à court terme peuvent être source d’énormes bénéfices à long terme.

Un enjeu et une occasion

La transition du Canada vers les VE offre aux entreprises la possibilité de réduire l’intensité de leurs émissions de gaz à effet de serre, voire de réduire leurs coûts et de moderniser leurs processus opérationnels. Une transition aussi importante n’est cependant pas sans risques. Les conseils d’administration doivent s’attendre à une gestion active des enjeux liés aux VE afin d’atténuer ces risques, ce qui constitue une nouvelle normalité pour les entreprises canadiennes.

Michael Smith et Sander Grieve sont associés au bureau du groupe Bennett Jones de Toronto. Sander Grieve est également chef d’équipe, Mines du cabinet. Duncan McPherson est associé au bureau du groupe Bennett Jones de Vancouver.

 

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