13 novembre 2024

La consultation sur le projet de loi C-59 met en lumière le rôle des administrateurs dans la surveillance du climat

ESG Global Advisors, une société de services-conseils spécialisée de premier plan en matière d’ESG et de climat, est un partenaire de confiance pour les entreprises et les investisseurs au Canada et dans le monde. ESG Global conseille sa clientèle au sujet des implications commerciales du projet de loi C-59 compte tenu des récentes modifications apportées à la Loi canadienne sur la concurrence. Cet article présente un résumé des modifications, ainsi que des principales conclusions et des renseignements exploitables pour les administrateurs de sociétés à la suite d’une consultation publique lancée par le Bureau de la concurrence du Canada.

Aperçu du projet de loi C-59

Le projet de loi C-59, aussi connu sous le nom de Loi d’exécution de l’énoncé économique de l’automne 2023 du Canada, apporte des modifications importantes à la Loi sur la concurrence (la « Loi ») du Canada concernant l’« écoblanchiment » ou les déclarations environnementales trompeuses concernant les produits et les services. Pratiquement toutes les entreprises au Canada, y compris les entreprises étrangères exerçant des activités au Canada, sont concernées. Désormais, si une entreprise fait une déclaration ou donne une garantie concernant les caractéristiques ou le rendement environnemental d’un produit ou d’un service, ces indications doivent se fonder sur une « épreuve suffisante et appropriée » ou « sur des éléments corroboratifs suffisants et appropriés obtenus au moyen d’une méthode reconnue à l’échelle internationale ».

Bien que l’intention de la Loi soit sans doute positive et qu’elle vise à empêcher l’écoblanchiment, ces modifications présentent des complexités, notamment les suivantes :

  • Un seuil plus élevé pour justifier les indications et les déclarations visées. Avant les modifications, les déclarations environnementales étaient couvertes par les dispositions générales de la Loi relatives à la « publicité trompeuse »; elles devaient être « fausses ou trompeuses sur un point important » pour contrevenir à la Loi;
  • Désormais, les déclarations peuvent contrevenir à la Loi si elles ne sont pas fondées sur une « épreuve suffisante et appropriée » (dans le cas des produits) ou des « des éléments corroboratifs suffisants et appropriés obtenus au moyen d’une méthode reconnue à l’échelle internationale » (dans le cas d’autres activités d’entreprises). Cependant, ce qui est considéré comme une « épreuve suffisante et appropriée » et une « méthode reconnue à l’échelle internationale » pour justifier une déclaration est encore incertain;
  • Il incombe à l’entreprise qui donne des indications de prouver que la déclaration peut être justifiée et s’applique à toutes les divulgations actuelles et antérieures.

Plus particulièrement, ces modifications introduisent un nouveau droit privé d’action permettant d’alléguer qu’une entreprise a enfreint la Loi, dans l’attente de l’autorisation d’un tribunal. Il s’agit d’un changement important, car le régime actuel ne permet au Bureau de la concurrence que de faire appliquer les dispositions de la Loi relatives au marketing trompeur.

Les sanctions en cas de non-respect de la Loi sont lourdes. Si une entreprise enfreint un article de la Loi, elle s’expose à des sanctions pécuniaires pouvant aller jusqu’à 10 millions de dollars (15 millions de dollars en cas d’ordonnance subséquente), ou à trois fois la valeur du bénéfice tiré des indications trompeuses. Si ce montant ne peut être raisonnablement déterminé, la société peut se voir infliger une amende pouvant aller jusqu’à 3 % de son chiffre d’affaires annuel brut mondial.

Le Bureau de la concurrence a lancé une consultation publique en juillet 2023, dans le but d’éclairer l’élaboration d’orientations sur l’application de la Loi par le Bureau. ESG Global Advisors a participé à cette consultation et a pris en compte les points de vue des préparateurs et des utilisateurs, les investisseurs étant les principaux utilisateurs des rapports ESG et climatiques. L’objectif de notre table ronde était de comprendre les résultats potentiels, y compris les conséquences imprévues, du projet de loi C-59.

Principales conclusions des commentaires d’ESG Global Advisor sur les nouvelles dispositions relatives à l’écoblanchiment de la Loi sur la concurrence

Pour situer le contexte, il est important de noter que les rapports volontaires ESG et climatiques ont augmenté au Canada au cours des dernières années. Les investisseurs savent que les organisations qui gèrent les risques et les occasions liés au climat et aux facteurs ESG sont plus résilientes et génèrent de meilleurs rendements, et ils intègrent désormais les considérations liées au climat et aux facteurs ESG dans leur processus décisionnel. Bien que les organisations divulguent publiquement certaines informations relatives au climat et à l’environnement, les investisseurs cherchent toujours à obtenir des informations plus cohérentes et comparables de la part des entreprises. L’une des conséquences involontaires du projet de loi C-59 est que de nombreuses entreprises canadiennes retirent toutes les données et tous les rapports historiques sur les questions climatiques et ESG en raison du manque d’orientation et de clarification sur la signification de ces termes clés dans la pratique. Cette approche a l’effet inverse pour les investisseurs puisqu’ils n’ont plus accès aux données et informations volontaires sur le climat et les facteurs ESG pour prendre des décisions en matière d’investissement.

Par exemple, l’une des affirmations environnementales les plus courantes est l’engagement d’être « carboneutre » d’ici 2050 ou plus tôt, tant par les entreprises que par les investisseurs. Dans certains cas, ces déclarations sont faites sans que des plans de transition détaillés aient été mis en place pour les étayer. Pour que ces affirmations soient raisonnables, les entreprises doivent élaborer des plans de transition crédibles, conformes à des cadres reconnus, tels que l’Indice de référence net zéro d’ECC.

L’une des principales questions posées par le Bureau portait sur les méthodes reconnues à l’échelle internationale que le Bureau devrait prendre en considération pour évaluer si les déclarations relatives aux avantages environnementaux de l’entreprise ou des activités de l’entreprise sont fondées sur des « éléments corroboratifs suffisants et appropriés ». À notre avis, les limites actuelles comprennent i.) l’absence de consensus général sur la terminologie et ii.) des méthodes incomplètes.

Absence de consensus général sur la terminologie

Il est nécessaire de définir et de normaliser les déclarations et les termes environnementaux courants. Comme indiqué précédemment, de nombreuses entreprises ont pris des engagements en matière de « carboneutralité ». Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, la « carboneutralité » désigne un état idéal dans lequel la quantité de gaz à effet de serre rejetée dans l’atmosphère terrestre est équilibrée par la quantité de gaz à effet de serre éliminée. Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas d’émissions dans l’économie mondiale, mais plutôt qu’elles ont été réduites autant que possible, puis que le reste est soit « capturé », soit « compensé » par des investissements technologiques ou naturels, de sorte que l’incidence « nette » est de zéro émission dans l’atmosphère. Cette définition exigerait des entreprises qu’elles calculent et réduisent toutes les catégories d’émissions (émissions de portée 1, 2 et 3). Cependant, de nombreuses entreprises ne déclarent que les émissions de portée 1 et 2. Il doit y avoir un consensus national sur ce que les entreprises doivent faire pour respecter la Loi.

Méthodes incomplètes

Les préparateurs sont confrontés à des limitations lorsqu’il s’agit de fonder les déclarations par des « épreuves » ou sur des éléments corroboratifs obtenus au moyen d’une « méthode reconnue à l’échelle internationale », en raison du caractère incomplet de nombreuses méthodes. Dans le cadre de notre travail chez ESG Global Advisors, nous collaborons avec de nombreux investisseurs et de nombreuses entreprises qui font de leur mieux pour respecter leurs divers engagements en matière de climat. Lors de notre consultation, nous avons recommandé au Bureau d’envisager la mise en œuvre de paramètres convenus et d’une liste de critères et de lignes directrices pour être acceptés, tels que le Protocole des GES, les normes finales du CCNID, la règle climatique à venir de l’ACVM et l’Indice de référence net zéro d’ECC des entreprises, pour n’en citer que quelques-uns.

Dans le cas des produits, la vérification ou la certification par un tiers (c’est-à-dire ISO 14001, LEED, ENERGY STAR, B Corporation, etc.) devrait être raisonnable à condition que la certification soit actuelle (et non désuète), qu’elle exige de la société déclarante qu’elle remplisse un sondage ou qu’elle communique des données qui ont été vérifiées par une vérification interne ou externe, et que le conseil d’administration ait approuvé l’indication qui est donnée ou la déclaration qui est faite.

Si nous utilisons l’exemple de la « carboneutralité », il est recommandé que le Bureau mette en œuvre des critères exigeant que l’entité ait mis en place les éléments suivants :
  • Le calcul de son empreinte carbone conformément au Protocole des GES (ou à un autre cadre international de calcul des GES). Si l’entité n’a calculé que ses émissions de portée 1 et 2, elle doit faire preuve de « progrès raisonnables » d’une année à l’autre et commencer à calculer des catégories importantes de portée 3.
  • Les paramètres devraient également exiger de l’entité qu’elle fixe des cibles fondées sur des données scientifiques et conformes au SBTi. L’entité devrait également fixer des cibles à court et à long terme. Le Bureau devrait envisager de mettre en œuvre des lignes directrices pour la fixation des cibles (c’est-à-dire des cibles absolues ou d’intensité).
  • L’entité doit disposer d’un plan de transition aligné sur un cadre reconnu (c’est-à-dire le Transition Plan Taskforce).
  • Il serait également souhaitable que l’entité harmonise ses rapports sur le climat et l’environnement avec les cadres de reddition de comptes reconnus (c’est-à-dire GTIFCC, SASB, GRI, IFRS S1 et S1, etc.).

Il ne s’agit là que d’un exemple de critères potentiels que le Bureau devrait envisager de mettre en œuvre.

Autres difficultés évoquées par les entreprises et les investisseurs

L’une des principales difficultés soulevées par les participants concerne les déclarations prospectives et les ambitions. La question de la « poule et de l’œuf » est inhérente à l’objectif de la carboneutralité d’ici 2050. Les entreprises et les investisseurs sont confrontés à la nécessité de fixer une cible d’abord et d’élaborer un plan pour y parvenir ensuite. Les investisseurs sont confrontés au fait que leurs portefeuilles représentent leurs émissions de portée 3. Or, pour décarboniser leur portefeuille, ils dépendent de toutes les sociétés détenues, dans tous les secteurs et toutes les classes d’actifs, pour réduire les émissions dans l’ensemble de l’économie réelle.

D’autres difficultés sont liées aux définitions propres à chaque secteur. Il est nécessaire de continuer à investir dans la recherche et l’innovation, en particulier pour les secteurs difficiles à décarboniser, tels que le transport aérien et le camionnage.

L’autre difficulté concerne le nouveau « droit privé d’action ». L’une des complexités réside dans la possibilité pour les groupes de défense d’intenter des actions si cela est dans « l’intérêt du public ». Bien que l’autorisation d’un tribunal soit nécessaire, le terme « intérêt du public » est assez large et expose les entreprises à des sanctions pécuniaires importantes si une déclaration contrevient à la Loi. Il est conseillé au Bureau d’exiger du demandeur qu’il prouve que la réclamation est importante pour l’intérêt du public. Cela permettrait d’atténuer le risque pour les entreprises de devoir utiliser des ressources pour se défendre contre des allégations anodines ou mal intentionnées.

Pour aller de l’avant : que doivent faire les administrateurs de sociétés?

Bien que nous attendions toujours que le Bureau de la concurrence publie d’autres orientations basées sur les commentaires issus de la consultation, le projet de loi C-59 devrait envoyer un message clair aux professionnels de la gouvernance : les rapports ESG et climatiques ne disparaissent pas, ils deviennent en fait plus réglementés. Les organisations doivent mettre en place une surveillance et une gouvernance appropriées pour s’assurer que toutes les déclarations, tous les engagements et tous les objectifs environnementaux publics sont raisonnables et que la documentation appropriée est mise en place pour éviter d’éventuelles sanctions. En particulier, il y a quatre étapes clés que les professionnels de la gouvernance devraient mettre en œuvre dès maintenant :
  1. Passer en revue toutes les déclarations et indications environnementales : Les administrateurs doivent confier la responsabilité à la direction et veiller à ce que toutes les déclarations environnementales qui répondent aux exigences de la Loi soient passées en revue. Les déclarations existantes qui ne peuvent être mises à l’épreuve doivent être modifiées ou supprimées immédiatement.
  2. Conserver des documents vérifiables : Les organisations doivent recueillir des données défendables, vérifiables et fiables pour étayer toute déclaration environnementale ou climatique. Cette responsabilité doit faire l’objet d’une surveillance de la part du comité de vérification ou du comité des finances.
  3. Harmoniser les pratiques de production de rapports avec un cadre reconnu : Il est conseillé aux entreprises de se conformer à un cadre ou à une méthode reconnus en ce qui concerne la « carboneutralité » ou d’autres engagements environnementaux, les déclarations, la fixation de cibles et les pratiques de production de rapports.
  4. Formation du conseil d’administration : Il est important que le conseil d’administration soit impliqué et comprenne la rapidité avec laquelle le contexte des rapports ESG et climatiques évolue. Les administrateurs de sociétés devraient passer en revue tous les rapports ESG et climatiques avant qu’ils ne soient rendus publics et s’impliquer dans la stratégie ESG de l’organisation. Il est également important que la direction dispose d’un niveau de contrôle approprié et qu’elle tienne le conseil d’administration régulièrement informé. Le renforcement continu des capacités et la formation du conseil d’administration sont en passe de devenir une bonne pratique pour assurer une surveillance efficace.

Bien que cet article mette en évidence les difficultés auxquelles de nombreuses entreprises sont confrontées lorsqu’il s’agit de justifier leurs déclarations environnementales, il existe des cadres et des méthodes qui constituent une base solide pour les entreprises lorsqu’elles communiquent au sujet de leurs avantages et de leurs engagements environnementaux. Tous les engagements et rapports environnementaux publics doivent être défendables et fondés sur des preuves et des données suffisantes, que le projet de loi C-59 soit en vigueur ou non. Les administrateurs de sociétés doivent s’impliquer dans la stratégie climatique de l’organisation et dans la production de rapports en posant les bonnes questions à la direction. Pour de plus amples renseignements, communiquez avec nous pour savoir comment nous pouvons soutenir votre approche de la production de rapports compte tenu des récentes modifications apportées à la Loi sur la concurrence.

 

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