14 mai 2024

La nouvelle loi canadienne sur l’esclavage moderne : comment s’y préparer?

Introduction

L’esclavage moderne touche environ 50 millions de personnes[1] à l’échelle du monde. Le problème existe dans différents types d’économies, des pays très développés comme le Canada aux nations les plus pauvres. Le défaut de mettre en place des mesures visant à freiner l’esclavage moderne dans les chaînes d’approvisionnement peut mettre en péril le permis social d’une organisation, miner la confiance du public à son égard et l’exposer à des risques juridiques et financiers.

En plus de surveiller les activités de base, la performance financière et les objectifs environnementaux des organisations, les conseils d’administration doivent assurer la transparence de leurs activités et de leurs chaînes d’approvisionnement au moyen de mesures rigoureuses contre l’esclavage.

Leur rôle élargi de gestion du risque d’esclavage moderne représente un défi considérable pour les administrateurs.

L’esclavage moderne est souvent mal compris

L’esclavage moderne est un crime grave qui consiste à piéger des victimes par la coercition, l’isolement et la servitude pour dettes. Différentes formes d’exploitation, y compris les menaces de violence, la restriction des communications et le travail forcé, mettent en lumière la nature cachée complexe de l’esclavage moderne.

Le travail forcé, un aspect inquiétant de l’esclavage moderne, touche tous les secteurs et les régions, incluant les pays développés et les communautés éloignées. Les Nations Unies ont exprimé leur préoccupation[2] à l’égard des programmes de travailleurs étrangers temporaires du Canada, citant des risques de travail forcé et le besoin de protection des travailleurs.

Les administrateurs sont confrontés à des risques réels en lien avec l’esclavage moderne

La nature complexe des chaînes d’approvisionnement pourrait cacher par inadvertance des cas d’esclavage moderne. Bien que les organisations puissent surveiller étroitement leurs fournisseurs de premier niveau, il peut être difficile de déterminer les risques et de faire appliquer des normes éthiques chez leurs fournisseurs de niveaux inférieurs.

En plus de ses implications éthiques, l’esclavage moderne a des effets d’une grande portée pour les organisations et il s’accompagne de risques commerciaux, juridiques et de réputation considérables.

1. Responsabilité personnelle

La Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement du Canada[3] (anciennement le projet de loi S-211) exige que les organisations fassent annuellement état des mesures contre le travail forcé et le travail des enfants dans leurs activités et leurs chaînes d’approvisionnement.

Les administrateurs qui approuvent des rapports contenant des erreurs peuvent en être tenus personnellement responsables.

2. Perturbation des activités

Les organisations qui ne sont pas en mesure de prouver que leurs produits n’ont pas impliqué de l’esclavage moderne peuvent être confrontées à une perturbation de leurs activités et à des conséquences financières. Les produits possiblement associés à l’esclavage moderne peuvent être retenus à la frontière, ce qui témoigne d’un virage vers une surveillance accrue et des attentes plus élevées liées à la lutte contre l’esclavage moderne.

En 2024, les autorités américaines ont saisi des véhicules de luxe[4], et les autorités canadiennes ont mis sous séquestre des modules solaires en raison de liens suspectés avec du travail forcé[5].        

3. Risques de réputation

Comme le démontrent les manchettes[6], ignorer les violations des droits de la personne peut nuire à la réputation d’une société, à la valeur pour ses actionnaires et à la confiance de ses parties prenantes.

La lutte contre l’esclavage moderne s’intensifie

La Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement du Canada insiste principalement sur une transparence accrue. De plus, la Loi exige que les organisations communiquent leurs efforts pour s’attaquer à l’esclavage moderne. Ainsi, les organisations devraient envisager une manière de démontrer leurs progrès continus pour atténuer ces problèmes.

Les normes mondiales exigent des mesures proactives

La réglementation plus stricte des territoires de compétence comme le Royaume-Uni et l’Australie met en lumière un virage mondial exigeant des mesures plus proactives contre l’esclavage moderne.

Considérant cette tendance internationale, les organisations canadiennes devraient envisager d’aller au-delà du simple respect des exigences de communication en s’engageant activement à protéger les droits de la personne. Cet engagement comprend le filtrage et la surveillance continue de leurs chaînes d’approvisionnement afin d’éliminer les pratiques d’exploitation.

Des améliorations à présenter d’ici l’échéance de communication de 2025

Les rapports initiaux sur la lutte contre l’esclavage qui doivent être produits en mai 2024 serviront de point de repère pour les améliorations futures dans le renforcement des contrôles et des mesures de protection.

Pour les organisations canadiennes, adopter des stratégies proactives est vital afin de respecter leurs obligations juridiques et éthiques, de gérer efficacement le risque et d’assurer la stabilité de leurs activités dans un marché de plus en plus axé sur la responsabilité sociale.

Une optimisation des chaînes d’approvisionnement grâce au financement et aux partenariats

Considérant la complexité et l’échelle des chaînes d’approvisionnement mondiales, la diversité des réglementations et les difficultés associées à la surveillance et à la mise en application des normes chez les fournisseurs, les grandes organisations font face à des défis liés au renforcement de la transparence de leurs chaînes.

Les administrateurs doivent veiller à ce que du financement et des ressources soient alloués aux mises à niveau technologiques afin de renforcer la surveillance et la communication, la formation des employés et des fournisseurs, ainsi que les vérifications de leurs programmes et de leurs fournisseurs.

Les organisations canadiennes peuvent s’adapter rapidement à la réglementation et dégager de la valeur en collaborant avec des partenaires mondiaux ayant de l’expérience dans les initiatives de lutte contre l’esclavage moderne et le développement durable des chaînes d’approvisionnement.       

Découvrez-en plus avec le document « Une ère nouvelle pour la transparence des chaînes d’approvisionnement »[7].

 



[2] Nations Unies. (2023, 6 septembre). UN expert sounds alarm over ‘contemporary forms of slavery’ in Canada. Repéré au https://news.un.org/en/story/2023/09/1140437

[3] CANADA. Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement, L.C. 2023, ch. 9, à jour au 16 avril 2024, [Ottawa], Gazette du Canada, 2023. [https://laws.justice.gc.ca/fra/lois/f-10.6/page-1.html]

[4] FINANCIAL TIMES. US Porsche, Bentley and Audi imports held up over banned Chinese part, [En ligne], février 2024. [https://www.ft.com/content/ab63cc9b-1c57-43d0-89c2-8f63e5c06eba]

[5] PVBUZZ TRADE JOURNAL. Canada’s Border Services intensifies crackdown on solar module containers: CBSA provides insight to pvbuzz, [En ligne], mars 2024. [https://pvbuzz.com/canada-border-services-crackdown-on-solar-module-containers/]

[6] CANADIAN MINING JOURNAL. Human rights violations can hurt a company’s reputation, [En ligne], 1er février 2016. [https://www.canadianminingjournal.com/featured-article/human-rights-violations-can-hurt-a-companys-reputation/]

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